Paso Sico



Et nous voilà repartis pour une seconde traversée des Andes par le Paso Sico, en direction de San Pedro de Atacama. Après 120 km de montée, avec une végétation qui devient de plus en plus rare au fil des kilomètres parcourus, nous arrivons à la localité de San Antonio de los Cobres. On se croirait déjà en Bolivie dans ce petit village typique qui semble avoir agréablement conservé ses traditions. Alors qu’on mange une tortilla argentine (du pain qui a le goût de crêpe) dans un bâtiment que l’on pourrait qualifier de « maison de commune », une femme qui nous a entendu parler nous invite à participer au cours de français qu’elle donne aux habitants qui travaillent dans le tourisme. Ni une ni deux, nous voilà devant une trentaine de personnes qui essaient de nous poser des questions, de comprendre, de répondre en français. Pour certains, c’est seulement leur deuxième cours, alors les discussions restent très basiques mais c’est rigolo.

Vu le froid et le vent qui se sont installés depuis quelques jours dans la région, nous allons chez les policiers pour leur demander s’ils ont un petit abri pour que l’on puisse planter la tente. Au crépuscule, avec une petite pluie fine qui accompagne cette fin de journée qui devient vraiment fraiche, les policiers ont un peu pitié et nous propose une pièce à l’intérieur du poste. Elle s’avère être une cellule de dégrisement qui est libre ce jour-ci ! Le matelas bien usé et le complexe toilette-lavabo en inox seront nos compagnons de fortune pour la nuit. Nous ferons tout de même les « précieux » et monterons la tente pour augmenter la chaleur résiduelle et se sentir un peu plus « chez-soi ».


Après cette nuit à l’intérieur tels des délinquants, nous sommes vite surpris par le froid lors de notre montée. Pour le deuxième des quatre cols de la traversée, qui culmine à 4’500m, nous sommes accueillis par la neige au sommet ! C’est plutôt inattendu car une semaine plus tôt, les cyclos français avaient fait toute la traversée en sandales ! Difficile à croire. Les policiers, qui nous accueillent également à Olacapato, nous apprennent qu’une vague de froid vient d’arriver. Paraît-il que le temps devient clément en Suisse avec un heureux petit goût de printemps, eh bien ici c’est le contraire.



Des orages nous font aussi de bonnes frayeurs, surtout celui qui nous a fait drôlement peur en nous rattrapant alors qu’on roulait sur un immense plateau, sans rien pour nous protéger. Pas le temps de réfléchir, la peur au ventre, on appuie sur les pédales le plus fort possible… l’altitude, les maux de nuque, le mauvais ripio, le vent… tout disparaît. Seule compte la douane que l’on aperçoit au loin. On y est gentiment accueillis avec un petit appartement pour la nuit pour se remettre de nos émotions !

 


Le lendemain, après les formalités, nous re-entrons au Chili avec un énième tampon dans notre passeport. Il est formellement interdit d’entrer au Chili avec des produits frais ou d’origine animale (légumes, fruits, miel, fromage, etc) mais les douaniers ne prennent même pas la peine de vérifier nos sacoches cette fois-ci, peut-être dissuadés par le froid qui règne dehors.

Le ciel est nuageux mais ne semble pas menaçant lorsque l’on quitte la douane. Mais il se gâte dans l’après-midi. Nous nous voyons contraints de faire demi-tour à 1km du sommet du dernier col journalier. On marche arrière jusqu’à un poste de police (eh oui c’est un peu les seuls spécimens humains de la région) qui se trouve 3km en contrebas. Sage décision vus les éclairs qui tombent d’un peu partout le temps du café offert par ces chers officiers. Ces derniers finiront par nous emmener à notre refuge du jour pour la nuit dans leur énorme pick-up. Nous y serons chaleureusement accueillis par Juan Carlo et Claudio, un des deux binômes responsables de surveiller un campement d’une mine de fer qui a fermé en 1990 ! Ils sont donc là pour faire acte de présence selon leurs dires et vérifier que rien n’est volé ou endommagé dans cet établissement isolé à 4’600m d’altitude. On y passera d’agréables moments autour de mets gastronomiques et de discussions sur nos vies respectives. Une amitié éphémère qu’on a de la peine à quitter le lendemain matin. Mais la descente sur la route asphaltée accompagnée du soleil et des vues imprenables sur les lagunes nous redonnent bien rapidement le sourire au bout des lèvres. On commence déjà à retrouver un peu de civilisation en croisant les nombreux 4X4 et minibus de touristes partis en excursion de San Pedro pour la journée. Certains nous prennent en photo comme si nous étions des extraterrestres, ça nous donne un avant-goût de ce qui nous attend au Sud Lipez selon les récits d’autres cyclos ! Mais on est bien contents d’être sur nos vélos plutôt qu’entassés derrière ces vitres.



On finit cette journée en plongeant littéralement dans le désert d’Atacama qui nous paraît être une mer à l’horizon. Nous passons notre nuit dans un joli canyon sous un des rares arbres de cette région désignée comme la plus aride du monde. Le vent étant toujours légion et cette fois-ci de face, le réveil se fait de bonne heure pour rallier San Pedro de Atacama, ville touristique et bien esseulée de ce désert. Les aurores nous offrent une nouvelle fois une magnifique palette de couleurs s’étalant entre cordillère et désert.

Nous profitons de ce havre touristique mais tout de même sympathique pour nous reposer quelques jours avant notre retour en Bolivie par le Sud Lipez qui devrait nous émerveiller...

 


A + J.