Le tant attendu Sud Lipez

 

Il y a peu de routes qu’on avait planifiées à l’avance mais l’entrée en Bolivie par le Chili et le Sud Lipez en faisait partie. Bien des récits de cyclo-voyageurs nous avait mis le sirop à l’oreille comme étant une traversée rude mais où les paysages compensaient les nombreuses heures passées à pousser son vélo chargé sur les routes de sables. L’altitude entre 4’000 et 4’900m, l’autonomie en nourriture pour 7-8 jours, la grande amplitude thermique dans cette région désertique, et la relative solitude (il y a en réalité énormément de 4x4 transportant des voyageurs) font de cette route, pour une fois, une amie inhospitalière pour le cycliste. Le défi nous tentait et nous pensions être assez entrainés pour passer cette étape avec sérénité…

 

Après 4 jours de repos à San Pedro de Atacama nous commençons la longue et ennuyante montée pour rejoindre le haut plateau bolivien. Nous pensions la faire en une journée mais finalement, les 35km pour 2’200m de dénivelé positif sans aucun lacet avec des lignes droites à perte de vue, nous aurons pris deux bonnes journées de pur… malheur. La vue sur le magnifique Licancabur n’a pas suffi à enlever cette sensation désolante d’ennui lié à l’effort trop difficile et au paysage monotone bien qu’admirable. Nous tentons le « truck-lifting » en s’accrochant derrière un camion transportant de l’acide sulfurique, mais nos pauvres bras cèdent après 1km seulement. Mais finalement, tout de même contents de l’avoir fait à la force des mollets, nous rejoignons le poste de migration bolivien et l’entrée dans le parc naturel Avarao qui sonne le début de la traversée du Sud Lipez. Nous découvrons directement l’hospitalité pour les cyclistes dans cette région ; le premier soir nous mangeons, invités par un guide et ses deux clients se préparant à l’ascension du Licancabur et la sympathique gérante de l’auberge nous offre le droit de dormir dans la chambre des chauffeurs de 4x4 gratuitement. C’est donc requinqués que nous partons le lendemain à l’assaut des pistes qui deviennent de plus en plus chaotiques. Nous devons ruser de malice et de patience pour trouver le meilleur petit bout de route qui nous permet de rester à cheval sur notre monture. Cette première journée nous emmène à travers le Désert de Dali et nous laisse stupéfaits au regard de pierres volcaniques superposées d’une manière surréalistes et parsemées au milieu du désert. Nous finissons notre étape au bord de la laguna Chalviri en plantant notre tente au milieu de ruines et en profitant de termes naturels exceptionnels. Cette première journée nous a ébloui sans trop nous achever physiquement et nous pensons donc à une traversée plutôt pénarde…

 


Mais voilà que le lendemain, la journée est catastrophique pour ma pomme. Presque pas dormi de la nuit, des nuages que je trouve menaçants mais qui ne le sont pas réellement, me font penser à un nouveau calvaire sous l’orage, des envies de tout arrêter et de rentrer à la baraque me traversent l’esprit à plusieurs reprises et ne me permettent même pas d’apprécier notre passage le plus haut à vélo à 4’926m. La route devient de plus en plus rocailleuse et sableuse et ralentit drôlement notre allure à la descente. Nous finissons, sous l’emprise de mon « burn-out cyclotouristique » par arrêter des voyageurs allemands, croisés la veille, voyageant en van. Ils nous embarquent pour faire les 16 derniers kilomètre journaliers sur le plateau de la laguna Colorada. Cela nous permet de dormir dans un refuge et d’espérer que ce coup de blues passera à l’aide d’une nuit réparatrice…

 

 

Le sommeil et ses vertus ont fait du bon travail et nous reprenons alors gaiement notre route en direction du Nord. Nous passons un tiers de notre temps à pousser nos destriers chargés pour passer chaque petite tôle ondulée recouverte de 4-5cm de sable qui nous empêche de pouvoir avancer sereinement. Nous nous arrêtons au fameux « Arbol de piedra » après seulement 18km, éblouis par le lieu! Mais nous profitons de cet après-midi pour marcher entre ces formations rocheuses façonnées par la force du vent et du temps tout en regardant les défilés de 4x4 et en observant le comportement des voyageurs qui n’ont que peu de temps pour visiter les lieux.

Le soleil s’étant caché pour l’après-midi, la fin de journée est fraiche et la nuit d’autant plus.

 

 

Nous attendons impatiemment le lever du soleil et son pouvoir calorifique pour sortir de la tente. Nous commençons à pédaler alors que les premiers 4x4 arrivent déjà sur les lieux. Assez rapidement, en plein milieu du désert de Siloli, le compteur nous indique que nous avons parcouru 5’000km. Allez c’est parti pour la vidéo des 5’000 et la photo clichée avec le compteur en premier plan et nos deux sourires en arrière-plan… Toutefois, notre photo souvenir ne ressemblera pas forcément à cette description (à vous de juger ci-dessous) par faute d’impatience de ma part qui finira par une brève engueulade entre nous.

Après cet interlude, nous ferons une partie de la traversée du désert en solo. A nouveau de nombreuses routes sont créés par les bolides mais nous trouvons celle qui nous emmène lentement mais sûrement jusqu’à l’Hotel del Desierto 5 étoiles. Nous avions entendu que nous pouvions poser la tente à l’arrière de la maison des chauffeurs. Et effectivement, nous y passons la nuit et le personnel bien aidant nous offre la possibilité de nous doucher et même le petit déjeuner avec les restes des touristes le lendemain !

 

Nous partons le ventre bien rempli pour une journée pleine de beauté. La première est un petit canyon qu’on prend un malin plaisir à descendre en slaloment entre les cailloux et le peu d’eau qui y ruissèle. Une esplanade désertique en faux plat descendant nous mène jusqu’aux fameuses lagunes Ramaditas, Honda, Tiercota puis Hedionda. Nous sommes à chaque fois subjugués par la beauté de ces flaques d’eau, de sel et d’autres minéraux plantées dans un tel décor. Un dépaysement total qui nous laisse souvent sans mots pendant les longues minutes passées à observer les flamants roses et la pureté des couleurs de ces tableaux…

 

Nous avons la chance de dormir à l’intérieur de la salle de pique-nique de l’eco-lodge Flamingo au bord de la laguna Hedionda, repère branché des Flamingo James.

 

Dernière journée qui doit nous faire descendre du « plateau du Sud Lipez » pour rejoindre l’altiplano en contre-bas de 500m. On nous avait dit que les routes seraient meilleures. Alors oui, un peu moins de sable mais tout de même beaucoup de caillasse et de tôle ondulée qui finissent par tasser notre dos, nos nerfs, et nous empêchent de bien digérer, ce qui offre un vilain mal de ventre à Anaëlle lors du second col journalier à 4’200m. Elle serre les dents et desserre les grands fessiers pour tenter de diminuer ses maux de ventre et nous plongeons sur le désert de sel de Chiguana. Une fin de journée splendide à rouler seuls sur ce salar où nous pouvons enfin avancer à plus de 10km/h malgré le vent de face. Nous dormons dans la gare abandonnée de Chiguana après avoir profité des couleurs du coucher de soleil.

Le lendemain, nous finissons de traverser cette étendue plane où une illusion d’optique nous fait croire qu’au loin, de l’eau recouvre le sel. Mais c’est bien au sec que nous rejoignons San Juan, notre premier vrai village depuis huit jours et qui sonne la fin de cette épopée. Nous profitons de la cabana de sal avec sa très belle architecture de sel, ses mobiliers de cactus séchés et ses prix attractifs (5.- CHF/personne) pour nous reposer deux bonnes nuits.

Nous continuerons ensuite en direction du Salar d’Uyuni que nous espérons traverser du Sud au Nord…  

 

Hasta Pronto.

 

J + A.