La Carretera Austral


Il est temps de vous donner quelques nouvelles de nos trois premières semaines sur la route, durant lesquelles nous avons relié El Calafate à Coyhaique, ville où nous nous trouvons actuellement.

Ce début de voyage nous laisse une saveur particulière, que nous désignerons – en bons suisses que nous sommes - comme « nuancée ».

 


Nous partons d’El Calafate débordants d’énergie et d’envie de pédaler à la découverte de la Patagonie ! L’initiation au vent est rapide et nous comprenons qu’il nous faudra développer quelques aptitudes ; patience, contrôle de soi, persévérance, concentration. Au moins, la route est asphaltée pour cette première partie. On commence donc avec une première difficulté. La deuxième, les graviers et cailloux (le ripio comme ils l’appellent ici), viendra s’ajouter quelques jours plus tard.

 

Nous passons cinq journées à El Chalten, « capitale nationale du trekking » comme on peut le lire sur toutes les affiches. On ne peut pas dire qu’on soit charmés par cette petite ville. Il est pour nous l'antithèse des Diablerets et ses normes de construction très strictes qui lui ont presque valu l'honneur d'être désigné "plus beau village suisse 2017". Ici, chacun bâtit sa propriété au style "contemporain" et il n'en résulte aucune uniformité entre les constructions. Cette particularité vient sans doute du fait que cette petite ville est récente d’une quarantaine d’années seulement ! Nichée au pied des majestueuses aiguilles du Fitz Roy et du Cerro Torre, sa situation fait d’elle un point de départ idéal pour partir marcher ou escalader. Elle a donc été construite pour le touriste. Nous en profitons pour faire quelques jours de randonnée, mais aussi nous reposer (pluie oblige…), et cuisiner.

 

Malgré la persistance de la pluie, on décide de quitter quand même El Chalten et d’avancer un peu. La partie qui suit est mythique et on est impatient de voir ce qui nous attend ! Après une traversée paisible du Lago Desierto et le stämpel de sortie d’Argentine inscrit dans nos passeports, nous voilà prêts pour attaquer ces fameux six kilomètres de no man’s land qui nous séparent de la frontière chilienne. Des kilomètres dédiés initialement à la marche, avec des sentiers, des passages de rivières, des « tranchées » de 30cm de large, des racines… Nous n’avons pas d’autres possibilité que de pousser les vélos et d’avancer à une moyenne de 2km/h ! Mais contre toute attente, ces trois heures d’effort, souvent décrites comme un calvaire par les cyclo-voyageurs, ont été plutôt sympas ! On s’était préparé au pire, mais ce « parcours d’obstacle » appréhendé avec du temps et du positivisme nous a bien fait rigoler avec ces traversées de rivières en équilibre sur des troncs d’arbre !



Ce qui nous a moins fait rigoler, et surtout Anaëlle, c’est la traversée du Lago O’Higgins qui a suivi. Attendant un créneau « calme » avec de faibles vents (selon le capitaine), le bateau lève l’ancre à 6h du matin pour les 2h30 de navigation pour rejoindre Villa O’Higgins. A peine après avoir quitté la terre, le bateau se fait chahuter dans tous les sens, et la coque manque de se briser (bon, ça c’est Anaëlle qui dit…) Presque trois heures d’enfer et un bonheur de toucher la terre ferme pour retrouver nos esprits !

 


 


 

C’est de Villa O’Higgins que nous débutons la Carretera Austral, route mythique pour les voyageurs à vélo et autres globe-trotteurs. Petit contexte historique oblige, cette route a été débutée dans les années 1970 sous l’impulsion du dictateur Pinochet, afin de relier les régions isolées de cette partie morcelée du sud du Chili sans devoir passer par le voisin argentin. Elle a été terminée seulement au tout début des années 2000 - 1’200km de construction à travers des fjords, des montagnes, et des roches glaciaires, ça requiert un certain temps ! Pour l’heure, seul un tiers de la route est asphalté.

 

Vous l’aurez compris, cette route légendaire promet un parcours somptueux à travers la Patagonie chilienne. La première moitié que nous avons effectuée durant ces derniers jours nous a offert un superbe spectacle, entre lacs aux différentes nuances de bleu, montagnes aux sommets saupoudrés d'or blanc, cascades, rivières aux eaux cristallines. Les efforts dépensés pour avancer sur le ripio et les nombreuses petites côtes raides sont largement compensées par la beauté de la nature. La tranquillité dans ce décor est plus qu’appréciable. En effet, les voitures (presque uniquement des pick-ups) se font aussi rares que les habitations et villages rencontrés le long de la route. Heureusement, car lorsqu’ils nous dépassent ou nous croisent, nous avons droit un épais nuage de poussière à traverser (bon, ça c’est les jours où il ne pleut pas, donc pas très souvent jusqu’à maintenant !). Nous rencontrons de nombreux cyclo-voyageurs, à tel point que nous ne nous arrêtons plus systématiquement. C’est toujours sympa d’échanger, pour être au courant des petits coins cachés pour planter la tente ou des bons plans sur la route, mais on se rend vite compte que les avis sont très divergents. Ils sont tellement dépendants du temps, du moment du voyage, des goûts de chacun. Le français est presque la langue « officielle » de la Carretera, vu le nombre de français qui y voyagent ! On se demande d’ailleurs quelle en est la raison, et si le Chili a investi dans la publicité en France ?!



Ces rencontres avec d’autres voyageurs font toujours plaisir et promettent de bons moments, comme Noël dans une cabane avec trois bretons, ou Nouvel An autour d’un asado (grillades) avec des autrichiens, allemands, suisses-allemands, anglais, brésiliens et chiliens. Néanmoins, la proximité avec les locaux nous manque quelque peu jusqu’à maintenant. Les raisons nous paraissent évidentes, mais on y avait pas vraiment pensé avant de venir :) D’abord, les chiliens se font rares en Patagonie étant donné que la majeure partie de la population se concentre plus au Nord, dans la région de Santiago. D’autre part, à nos yeux, le tourisme important ici ne favorise pas les contacts plus « intimes » avec la population. Nous avions déjà ressenti cela en Croatie lors de notre premier voyage à vélo. Mais pour la suite, nous avons contacté plusieurs warmshowers qui nous ont répondu positivement et qui devraient nous permettre de mieux connaitre les chiliens.


 

Ce mois de décembre a également été marqué par d’autres émotions. On ne va pas vous le cacher … vous nous manquez ! La période des fêtes n’a pas toujours été facile pour nous. Pas de vins chauds à Saint-François, pas de soirées au coin du feu, pas de gâteau belge avec maman ou biscuits avec grand-maman, pas de fiesta à la montagne, pas de moments privilégiés en famille. Tant de petits bonheurs qui nous remplissent de chaleur durant ces fêtes d’hiver. Mais le voyage c’est aussi ça, des instants plus difficiles mais qui sont vite comblés par l’aventure jour après jour !



... ET BONNE ANNÉE 2018 :)


A + J.